J’ai été vers Cécile pour un massage du ventre.
À la question quelle est mon intention pour cette séance, je dis que je me sens coupée de ma créativité, de ma capacité à concevoir, et mettre au monde, des créations.
Plus que ça, je me sentais incapable d’agir sur la matière, de modifier mon environnement. Mon réflexe : m’adapter à ce qui pouvait se présenter.
Un sentiment d’impuissance généralisé, une sensation d’être constamment prise dans la glace.
Je portais des yeux émerveillés sur tous ceux qui croisaient ma route et qui, eux, pouvaient agir sur le monde.
Me voilà sur le plaid de Cécile, dans cette pièce si accueillante, si pleine de mystères.
Le massage commence, je me sens bien, on dénoue des choses. Il y a du monde ici, une angoisse tapie là.
Ca fait du bien, les mots se posent, les gestes défont les noeuds des croyances.
Et puis, ce geste que Cécile voit sur mon corps. Ce geste qui me plonge dans une panique incontrôlable, qui me tétanise.
« Tu as déjà été molestée ? »
« On t’a déjà fait ce geste ? »
« Je ne sais pas. »
« Je ne sais pas. »
Mes souvenirs cherchent mais ne retrouvent rien.
Mais mon corps parle, et ça suffit. La panique qui remonte, qui me submerge.
Cécile, qui a activé l’état d’être « phare dans la tempête option havre de paix », me ramène, tire les fils de la sensation, explore, pose les mots et les gestes, et puis :
« On défait tout ça ? »
« Oui ! »
« Ok, reviens dans ton corps. »
Et là, dans ce bras en proie à l’agression, les mains magiques oeuvrent..
Qui a dit que la peau était barrière ?
La sensation est tapie, l’empreinte est profonde, Cécile la piste et la cerne.
Et puis, la libère.
Moi, concentrée à rester dans mon corps, je vois l’empreinte en vert fluo, et je la remercie d’avoir été là comme témoin, et comme balise, merci mon corps d’avoir conservé ce drapeau « attention danger ! », et puis, c’est ok, on n’en a plus besoin, on peut le laisser partir.
[…]
Et puis Cécile dit quelque chose, je crois. C’est fini, ou c’est parti ? Je ne sais plus.
Le déroulé s’est brouillé devant mon émerveillement : le geste fatal n’a plus d’effet.
Plus rien.
La panique incontrôlable ? Aucune trace.
Rien. du. tout.
OMG.
La magie. C’est si facile. Faire et défaire.
A quel moment est-ce qu’on a cru que ce qui était fait était inaltérable ?
Devant l’évidence, c’est cette croyance qui part en fumée.
Et mes bras que j’agite devant mes yeux, que je regarde, des étoiles dans les yeux : « C’est mes bras, ils sont à moi ! » « C’est mes bras, t’as vu mes bras ? »
On rigole. La joie devant ce qui vient de se passer.
C’est le jour où j’ai retrouvé mes bras.
Update du lendemain :
Aujourd’hui, j’ai vu mon éponge mouillée à côté de l’évier. J’ai été chercher un clou, je l’ai planté, j’ai suspendu l’éponge. (C’est une éponge en tissu, avec un petit lien pour l’accrocher, justement.)
C’est si facile, si évident. Avant, jamais je n’ai pensé à régler ce problème d’éponge mouillée !
J’ai regardé mon clou, mon éponge, et je me suis sentie capable de tout.
Alors j’ai été acheter une douchette pour les toilettes, et je l’ai raccordée à la chasse d’eau.
Si facile.
« Fini le papier toilette, hello les ressources jetables évitées ! » Je ris devant mon accomplissement, exubérante de ma réussite, moi que planter un clou angoissait.
Je crois que mes bras vont m’être bien utiles !